“Le soir, des meutes de chiens sauvages prennent possession des rues du centre, ils arrivent au crépuscule, éclairés par ce qui reste de l’éclairage publique de la ville.”
Christophe avait fait le déplacement depuis Grenoble, avec Patrick Souillot, chef d’orchestre, ils découvraient une ville Sofia, et un pays, la Bulgarie.On est en 1998.Alors Christophe,pourquoi Sofia?
Je faisais la musique d’un Jeu vidéo,Insider, produit par une société qui n’existe plus, InVisio, basée à Annecy. C’était un jeu magnifique, avec des décors époustouflants pour l’époque, le projet a abouti,mais le jeu n’as jamais été commercialisé, pour des raisons politico-économiques qui dépassent le cadre de cette interview, bref, le projet était ambitieux, et pour la musique, il me fallait de vraies cordes, un vrai orchestre.
Des compositeurs français et italiens travaillant pour le cinéma, avaient déjà l’habitude de faire leurs enregistrements à la radio de Sofia. J’ai pris des contacts, et je me suis lancé.
Concrètement, comment se passe l’enregistrement?
C’est tout une histoire!
En amont, déjà, il y a beaucoup de préparation, si tu arrives avec des séquences préparées depuis ton clavier, tu vas droit dans le mur.
On va à Sofia, pour les cordes,les musiciens sont des interprètres du classique, avec un plus, ils ont l’habitude de travailler au clic. Encore une fois,ce sont des musiciens du classique, les partitions doivent être écrites pour être lues! donc il faut penser aux coups d’archet, aux phrasés,tu dois tout clairement annoter, il y a 60 musiciens, 1 heure de musique, c’est beaucoup de travail.
Bon, tu es à Grenoble, vous avez préparé les partitions avec Patrick, qui contactez vous, comment on fait?
Tu contacte SIF309, une société qui gère les enregistrements au studio de la Radio nationale de Sofia.Ils ont un Protools sur place, en 1998, c’était des DA88 Tascam.Ils se débrouillent pour que les musiciens soient là le jour J. Ils te fixent le prix, et te font la facture.
Donc vous arrivez, combien de jours, pour 1 heure de musique utile?
Le plus souvent, on y va le week end, tu peux y aller en semaine, mais il faut savoir que la salle de concert est utilisée la journée par la radio, pour des enregistrements en direct, ou pour des répétitions, donc les séances, ce sera le soir avec des musiciens dèjà bien fatigués. En fait, pour travailler dans de bonnes conditions, le mieux c’est le week end. On arrive le vendredi, et la journée est réservée à une première lecture, on prend ses marques, les musiciens déchiffrent, Patrick ( chef d’orchestre) explique, corrige etc.
On fera peut être une séance d’enregistrement le vendredi, mais c’est trés rare qu’on puisse utiliser quelque chose du 1er jour.
Le samedi, on fait le plus souvent 2 séances, 10h-13h et 14h-17h, idem le lendemain, il faut compter 3 mns de musique utile pour 1 heure de travail.
Il arrive qu’on doive faire 3 séances dans la journée, la fatigue commence alors à se faire sentir !
Quand tout se passe bien, le lundi tu as ton disque dur plein.
Pour le son, quel matériel est utilisé?
On dispose du matériel de la Radio, seul le Protools est loué à SIF309, tout le reste est sur place, il doit y avoir une cinquantaine de vieux Neumann! une console SSL en régie, des casque pour tout le monde, tout est OK!
Aujourd’hui, on est en 2009, tu es retourné régulièrement à Sofia, notamment pour les musiques de films (Ocean wonderland, Shark 3D et Dolphins and Whales), qu’est ce qui a changé?
Vaste question!
Il y a dix ans, le pays était typique d’un pays de l’est, ayant connu 50 ans de communisme, aujourd’hui, c’est un pays européen, mais tout n’est pas rose, loin de là, un chercheur, un professeur, un médecin, touchent aujourd’hui une retraire de 50 Euros par mois, si tu n’as pas de famille, et un jardin pour les légumes, tu meurs littéralement de faim, et ce n’est pas une parabole, tu meurs vraiment de faim.
Faire des affaires, c’est compliqué, il y a beaucoup de corruption, tu peux voir des autoroutes en chantier, qui n’ont jamais été finis, l’hopital par exemple,à coté de l’aéroport, des murs en béton sur 10 étages, et c’est tout, commencé et jamais fini, les oligarques de l’ex parti communiste se sont partagés ce qui restait de la richesse du pays.
Par contre,les Bulgares sont des gens réellements adorables, trés fiers, avec une grande solidarité, et une immense générosité, j’adore ce peuple, ils sont pauvres, mais ils vont tout te donner, c’est une leçon pour nous. 
 
 

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